L'animation satellite en lumière infrarouge nous renseigne grossièrement sur la situation, qui semble au premier abord assez classique. En effet une perturbation océanique centré à l'Ouest de l'Irlande pilote sur la France un front froid qui aborde toute la façade Atlantique dans l'après-midi. Le caractère instable de ce front est bien visible sur l'animation, en particulier dans le Sud-Ouest de la France.
Une image satellite en lumière visible haute résolution prise à midi, ne nous renseigne pas beaucoup, puisque prise avant que le front n'aborde les côtes atlantique. On peut simplement s'extasier devant la beauté du ciel.
La situation synoptique est très classique. Une dépression s'est isolé dans une configuration de "goutte froide" au large de l'Irlande et se déplace vers la Bretagne. A l'avant sur la France, le flux est orienté Sud-Ouest et une petite dorsale anticyclonique pilote de l'air doux de la Méditerranée jusque vers l'Allemagne. C'est une situation très classique orageuse avec une forte probabilité que le front froid venu de l'Atlantique se déstabilise au contact de l'air doux.
La carte à 850hpa nous montre à peu de chose près la même chose. On peut noter cependant que l'air à moyenne altitude venu de l'atlantique est relativement frais pour la saison. Le contraste thermique semble donc assez conséquent.
Le courant-jet assez vigoureux piloté par cette dépression place la région Sud-Ouest en sortie gauche de jet en fin d'après-midi. C'est donc la zone la plus propice au développement d'orages. De même la région Poitou est situé en entrée droite d'une branche de jet. La dynamique du front semble donc assez vigoureuse pour engendre des forçages, capable d'entretenir des orages, particulièrement sur ces 2 régions.
La carte des impacts de foudre sur 24h témoigne parfaitement de la pénétration du front froid instable sur la côte Atlantique. Le Sud-Ouest en effet a été particulièrement touché par les orages. Une seconde zone active concerne le Poitou-Centre.
On notera que l'activité électrique s'est exactement arrêté au niveau de la Loire, avant de réussir à la traverser plus à l'Est de la Touraine jusqu'en Manche. Dans la région Centre-Ouest qui nous concerne, on peut estimer que les orages ont concerné une zone allant de La Roche-sur-Yon à Saumur en passant par Cholet. Angers est donc situé totalement en marge de l'activité foudre.
Seule une animation radar est donc capable de nous renseigner parfaitement sur ce qui s'est passé ce jour là. Aucune activité foudre et pourtant un arcus digne des plus gros orages. Comment est-ce possible ?
Les éléments dont nous disposions jusqu'à maintenant montraient une situation assez classique, mais l'animation radar nous montre une situation totalement hors du commun. Le front froid s'est déstabilisé tout du long en une parfaite ligne de grain classique de presque 600km de long entre Rennes et Toulouse, pratiquement un record. Cette ligne frontale instable est un vrai cas d'école, d'orages à protubérances multicellulaires organisés en ligne de grain classique (voir mon dossier sur les orages).
A l'avant, on repère une première ligne faiblement instable de la Mayenne au Centre, plutôt orageuse dans sa partie Sud. Il s'agira de la ligne pluvio-orageuse dont je parle dans la première partie de ce dossier. Derrière, le front froid est très actif, surtout dans le Sud-Ouest où assurément il génère sur son bord avant un bel arcus multicouche. Vous pouvez d'ailleurs voir de nombreuses autres photos surtout prises dans le Sud-Ouest sur le Photolive d'Infoclimat.
Mais regardons plus attentivement la zone qui nous intéresse, à savoir l'Anjou. Je me situe juste là où il fallait vraiment être et au bon moment. La ligne de grain générant cet arcus est très fine, mais d'une régularité et homogénéité très rare. On notera que son développement est maximum au moment où elle me passe par-dessus mais très vite se détruit totalement juste après. Cette petite ligne active est trop fine pour générer de l'orage, mais on peut parfaitement depuis l'animation radar prévoir que cette ligne de grain générera un arcus. Sa signature est un vrai cas d'école, tout comme l'arcus lui-même sera un parfait cas d'école.
Au cours de mes nombreuses chasses orageuses dans la région, j'ai souvent remarqué que l'Anjou était particulièrement une région propice aux arcus. Je n'en explique pas la raison, mais on peut supposer que la région des basses vallées angevines, avec son relief peu accidenté, génère suffisamment peu de turbulences au sol, pour qu'un front de rafale capable de développer un arcus garde son homogénéité. On peut aussi supposer que ce coin est une des rares régions de l'Ouest de la France à posséder une si vaste étendue en douce pente descendante, orienté dans toutes les directions sur Angers. Les courants de densités sont donc peut-être légèrement aidé par cette vaste curiosité topographique de l'Anjou pour glisser sans turbulence vers le bas de la pente. On peut émettre bien d'autres hypothèses et je n'ai évidemment pas fait d'études statistiques sur la question pour le comparer aux autres régions de France et pouvoir prouver ce que j'avance. La question est posée.